Le Canal Lemaire, l’île Petermann et la station de recherches Vernadsky – J4

GPS 08.00 Position: 065 ° 10’S / 064 ° 07’W Vent: brise. Etat de la Mer: Calme. Météo: Pluie / neige. Température: – 2 ° C

L’accent charismatique écossais de Kelvin nous a réveillés tôt pour nous faire savoir que nous approchions du canal Lemaire enveloppé de nuages bas et délicatement cajolé de flocons de neige. Cela ne nous a pas empêchés de faire chemin vers le pont, appareils photos à la main, et ravis de voir les pics vertigineux de cette fameuse partie de l’Antarctique. Le canal Lemaire est très connu comme étant le «Kodak Gap» en raison des centaines de photos qui ont été prises ici depuis le début de l’industrie des croisières en Antarctique. Bien que le temps ne fût pas identique à celui que l’on puisse trouver sur les brochures de voyagistes, la neige et le bas plafond créaient cependant une atmosphère à la fois inquiétante et chimérique.

Une fois la traversée du canal effectuée et un bon petit déjeuner englouti, nous avons débarqué sur l’île Petermann. Dans cet endroit des plus  isolé, un refuge faisait face à la mer. La couleur ocre du bois de cette cabane Argentine délavée par les éléments contrastait sérieusement avec l’arrière-plan de ce monde en noir et blanc. Saisissant.

Lors de nos premiers pas sur l’île nous avons clairement pris conscience de ce que le guano pouvait être. Même si jusqu’à présent nous l’avions principalement « reniflé », aujourd’hui nous marchons, glissons, roulons dedans. Cette fiente de manchot recouvrait pratiquement toute la plage de l’île d’au moins 5 cm de hauteur. Enseveli sous la neige, le guano n’était pas forcement visible à l’œil nu et il nous a fallu être très vigilent pour pouvoir nous frayer un chemin afin de ne pas nous retrouver les quatre fers en l’air dans cette gelé rose et verte. Une des scientifiques a forgé un chemin pour nous, à travers les manchots papous vers une croix commémorative érigée pour trois membres du « British Antarctic Survey » qui ont été perdus sur la glace de mer en 1982.

Sur le chemin à travers les rochers pour atteindre la croix, nous sommes tombés sur un manchot Gentoo gravement blessé. Il avait une horrible plaie au cou à la suite d’une attaque d’un phoque Leopard. Une vision difficile à oublier qui me fend le cœur à chaque fois que j’y repense. Interdit pour nous de lui venir en aide, nous ne pouvons pas aller à l’encontre de la nature et du cruel sort infligé à ce pauvre manchot. De l’autre côté de cette scène, deux autres scientifiques avaient ouvert la voie vers un des derniers bastions de manchots Adélie qui se tenaient blottis dans les roches dans l’attente de la fin de leur « mue ». Du haut de cette petite colline, nous pouvions apercevoir par intermittence les hauts pics de la péninsule qui nous entouraient grâce la dérive des nuages, ne faisant qu’ajouter une ambiance dramatique à la majesté de cette arène sauvage.

A notre retour à bord du Plancius, notre chef d’expédition nous a accueillis pour nous informer que les conditions climatiques ne nous permettaient pas de nous rendre à notre point de débarquement initial pour l’après-midi. Néanmoins, ce dernier nous avait réservé une surprise… Le personnel de la station ukrainienne Vernadsky Akademic nous invitait pour une visite !  La station Vernadksy utilisée en tant que base estivale de la British Antarctic Survey connu sous le nom de Faraday, a été créée en 1947, mais n’a été vendue aux Ukrainiens qu’en 1995 pour la somme de £ 1. Depuis, les équipes ukrainiennes ont poursuivi de nombreuses recherches et notamment découverts le « trou de la couche d’ozone ».

A la station, après la visite de l’infirmerie, de la salle de gym et des laboratoires de recherches, nous avons été invités à déguster la vodka maison du bar de la station en contrepartie de quelques dollars. Ce dernier est très connu pour sa décoration faite de soutien-gorge féminins, offerts en échange de shot de Vodka par des demoiselles sans sous !! J’ai pu profiter de cet instant pour faire estampiller quelques cartes postales qui ne sont toujours pas arrivées à destination à ce jour. Je ne désespère pas de les voir arriver d’ici à 6 mois…

Pendant que la moitié du groupe était à terre, l’autre moitié faisait une croisière en zodiac au milieu des icebergs. Ce fut pour nous l’occasion d’approcher de près les phoques Weddle que nous n’avions pas eu la chance de voir jusqu’à présent.

Pendant que les activités de l’après-midi ont progressé, le vent lui est tombé et les nuages ​​bas se sont élevés pour révéler un panorama grandiose à travers le détroit de Penola. Après une heure de navigation sur le Plancius, les conditions ont été jugées assez bonnes pour une activité très spéciale et particulièrement rare : une croisière en zodiac pour remonter le canal Lemaire ! La majorité d’entre nous est monté à bord des zodiacs et une fois tous à l’eau nous avons mis le cap vers le canal long de 11 km et  bordé par les de l’île Booth et du cap Cloos, Nous pouvons admirer les « Humphries Heights », montagnes qui culminent à près de 1200 mètres d’altitude. Certains chanceux ont pu voir de très près à l’entrée du canal des rorquals depuis leur zodiac.

Le Plancius nous a suivi et nous a récupéré à la sortir du Lemaire Channel, quelque peu frigorifiés mais avec dans la tête des milliers d’images époustouflantes.